Alain de Ruffray
La Truffière
24340 La Rochebeaucourt
05 53 60 92 10
LA ROCHEBEAUCOURT
Le nom de La Rochebeaucourt Ă©voque les nombreuses falaises qui frappent la vue du voyageur qui arrive de la Charente et il semble que  » beaucourt  » vienne du latin  » bos curtis  » c’est-Ă -dire  » les bĹ“ufs castrĂ©s  » : en effet, Pline Le Jeune, l’Ă©crivain latin, vers l’an 80 après JĂ©sus-Christ, parlait dĂ©jĂ des grosses foires aux bĹ“ufs de La Rochebeaucourt .
Il faut bien voir que La Rochebeaucourt se situe Ă la rencontre de deux voies romaines très importantes : PĂ©rigueux – Saintes, c’est-Ă -dire Saintes – Rome et la voie Bretagne – Espagne , c’est-Ă -dire la route de Saint Jacques de Compostelle ( nous y reviendrons ) : ces deux voies se rĂ©unissaient en un tronc commun depuis Edon jusqu’Ă la sortie du bourg de La Rochebeaucourt pour se sĂ©parer, l’une allant vers PĂ©rigueux par Sainte Croix de Mareuil et l’autre allant sur le plateau d’Argentine oĂą toute une longueur est encore apparente par ses bordures de pierres bien alignĂ©es, très typiques des voies romaines pour prendre la route actuelle, bien droite, de Verteillac, RibĂ©rac et rejoindre Sainte Foy la Grande oĂą il y avait un guĂ© très important, par oĂą convergeaient toutes les routes qui voulaient franchir la Dordogne Ă un endroit oĂą la marĂ©e ne se fait pas trop sentir . ( Il est remarquable que d’une commune Ă l’autre, la mĂŞme route soit encore indiquĂ©e sur le plan du cadastre, tantĂ´t  » voie romaine  » , tantĂ´t  » route de Sainte Foy la Grande  » )
La Rochebeaucourt est Ă©galement Ă la limite de deux types gĂ©ologiques très diffĂ©rents : vers la Charente, Combiers, Rougnac, on trouve des terres sableuses favorables aux châtaigniers et aux prairies, donc pour l’Ă©levage des bovins et de l’autre, vers Verteillac, c’est le PĂ©rigord Blanc, c’est-Ă -dire un terrain calcaire favorable Ă la culture de la vigne et des cĂ©rĂ©ales pour lesquelles il fallait des attelages de bĹ“ufs .
Il est comprĂ©hensible que ces deux Ă©lĂ©ments : la jonction de ces deux voies romaines importantes et la rencontre de ces deux types gĂ©ologiques si diffĂ©rents ont Ă©tĂ© des facteurs très dĂ©terminants pour le dĂ©veloppement Ă©conomique de La Rochebeaucourt, et ceci depuis l’Ă©poque Gauloise ! Il y avait des Ă©changes importants et des foires Ă©normes très suivies jusqu’Ă la guerre de 39 / 45 .
Il est important, ici, de parler un peu de la rivière, la Nizonne : En langue celte, la dĂ©sinence  » onne  » signifie  » rivière  » ( la Garonne, la Dronne, la Boronne e.t.c. ) et le mot  » Alice  » comme le prĂ©nom, signifie  » blanc  » et comme cette rivière coule en terres calcaires, donc blanches, il apparaĂ®t Ă©vident qu’Ă l’origine cette rivière aurait dĂ» s’Ă©crire  » l  » apostrophe et  » Alizonne  » mais surtout autrefois, la langue Ă©tait bien plus parlĂ©e qu’Ă©crite , le nom a donc Ă©voluĂ© comme le prouve le fait qu’Ă la limite de la commune de La Rochebeaucourt et de Champagne, la mĂŞme rivière ne s’appelle plus  » Nizonne  » mais  » Lizonne  » !! et de plus, on remarque que dans le parc du château de La Rochebeaucourt, il y a une fontaine qui s’appelle la  » Fontaine Alice  » et une autre  » la Fontaine Blanche  » !! Et de plus, La Rochebeaucourt est en PĂ©rigord Vert, mais en limite du PĂ©rigord Blanc !
On remarque qu’Ă l’arrivĂ©e au bourg, la Nizonne fait une grande boucle de contournement et en vis-Ă -vis, on voit la  » rue des FossĂ©s  » qui fermait la boucle de la rivière et encerclait tout le bourg : c’Ă©tait une fortification de la ville Ă l’Ă©poque gauloise !!
Traversant le bourg en direction de RibĂ©rac, sur le plateau, on ne peut que remarquer des vastes marches d’accès Ă une grande maison haute et les linteaux des fenĂŞtres du haut sont agrĂ©mentĂ©s de coquilles Saint-Jacques ! Nous sommes sur  » la Route d’Espagne « , la route de Compostelle et c’Ă©tait une belle auberge qui se signalait aux pèlerins par cette coquille ! et s’il Ă©tait possible de visiter cette maison, on y verrait un vaste escalier tournant en pierres et en prolongement du magasin actuel, une grande salle voĂ»tĂ©e qui se prĂŞtait très bien pour y faire le restaurant !
AussitĂ´t passĂ©e cette auberge, et le tournant qui suit, une grande maison haute, Ă droite, fait un rĂ©trĂ©cissement Ă la rue : c’est la  » Maison du Chapitre  » : c’est lĂ qu’habitaient des chanoines : ils ont Ă©tĂ© de 7 Ă 35 selon les Ă©poques et ils vivaient du passage des pèlerins principalement ; ( de mĂŞme qu’Ă BrantĂ´me, le cadet de la famille de Bourdeilles avait le titre d’  » abbĂ©  » sans ĂŞtre prĂŞtre, mais encaissait les revenus de l’abbaye, de mĂŞme, le cadet de la famille des châtelains de La Rochebeaucourt avait les revenus du chapitre ) mais il y avait la dure concurrence des moines de l’ordre de Cluny qui Ă©taient Ă Argentine, tout-Ă -cĂ´tĂ© et qui arrĂŞtaient les pèlerins Ă leur profit, alors c’Ă©tait la guerre entre ces deux communautĂ©s, au point que le pape Anastase IV, en 1153, y est venu pour y rĂ©tablir la paix . Venant avec sa mule de visiter une petite communautĂ© religieuse de Soudat, près de Varaignes, il s’est fait hĂ©berger par les chanoines car comme il Ă©tait originaire de l’ordre de Cluny, il ne voulait pas ĂŞtre soupçonnĂ© de favoriser les moines de Cluny qui Ă©taient Ă Argentine, mais sans doute les chanoines Ă©taient-ils un peu irascibles car au bout de huit jours ils ont mis le pape dehors ! il a dĂ» reprendre sa mule et aller chercher refuge Ă Mareuil dans une petite communautĂ© situĂ©e Ă l’angle de la rue actuelle du Repaire, actuellement, c’est la boucherie Bordas ! Puis, voyant qu’il n’arrivait pas Ă rĂ©tablir la paix, il a chargĂ© l’Ă©vĂŞque de Limoges et celui de Saintes de faire le nĂ©cessaire, mais ils ont Ă©chouĂ© ! Quant-au pape, il a repris sa mule pour aller près de Blanzac, visiter les templiers de Porcheresse, puis il est allĂ© Ă Bordeaux !
Avant de devenir  » la Maison du Chapitre  » c’Ă©tait une des portes de la ville, la principale si on en juge par son importance : il y avait trois tours avec des trous de visĂ©e, mais une a Ă©tĂ© rasĂ©e car elle menaçait ruine et les autres ont Ă©tĂ© nivelĂ©es Ă hauteur de la toiture du corps principal, au XVIII ° siècle, car Ă cette Ă©poque, il y a eu un gros impĂ´t sur les tours ( c’est ce qui explique aussi que la tour d’escalier du prieurĂ© des Martres ait Ă©tĂ© tronquĂ©e ) Pour donner la mesure de l’importance de cette porte, il faut bien savoir qu’en vis-Ă -vis de cette maison, il y a une autre grande maison qui masque une autre tour de dĂ©fense tronquĂ©e elle aussi au niveau de la toiture voisine et visible seulement de l’intĂ©rieur et depuis le sous-sol de la Maison du Chapitre, on peut encore voir le dĂ©part d’un souterrain qui a Ă©tĂ© murĂ©, mais qui rejoignait la maison de l’autre cĂ´tĂ© de la rue .
La ville Ă©tait aussi protĂ©gĂ©e par deux autres portes dont une a totalement disparu, elle se trouvait Ă la limite de la rue des FossĂ©s et de la rue actuelle des Ecoles . L’autre gardait le guĂ© ( le pont et la 939 actuelle ne datent que de 1844 ) cette porte ne se devine pas actuellement car il n’en reste qu’une tour d’escalier Ă l’intĂ©rieur de l’ancienne boucherie, tout près du pont et cette tour a Ă©tĂ© tronquĂ©e elle aussi .
La Rochebeaucourt possède une belle Ă©glise romane du IX° siècle qui a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă l’ordre de Cluny au XII° siècle pour ĂŞtre restaurĂ©e . Elle a pour patron Saint ThĂ©odore : A l’origine, elle avait une voĂ»te qui s’est effondrĂ©e et a Ă©tĂ© remplacĂ©e par une charpente et une toiture banale qui a Ă©tĂ© restaurĂ©e rĂ©cemment et les ouvriers ont alors dĂ©couvert dans la charpente ancienne, un petit triptyque : le compagnon qui a fait cette prĂ©cieuse dĂ©couverte a prĂ©tendu qu’Ă l’Ă©poque oĂą cette charpente a Ă©tĂ© mise, il Ă©tait d’usage d’y fixer une icĂ´ne pour que l’Ă©difice soit protĂ©gĂ© de la foudre et de l’incendie : c’est pour cette raison que ce triptyque a Ă©tĂ© remis dans la nouvelle charpente et ainsi les visiteurs n’ont malheureusement pas le loisir d’admirer cette icĂ´ne !
Une tradition insistante veut qu’il y ait une crypte sous le chĹ“ur de l’Ă©glise oĂą seraient inhumĂ©s les seigneurs de La Rochebeaucourt, et il y a des Ă©lĂ©ments sĂ©rieux pour y croire : ce serait intĂ©ressant de faire des fouilles pour en avoir confirmation, mais cette Ă©glise Ă©tant classĂ©e, il n’est pas possible de le faire .
Lorsque le bourg s’est Ă©quipĂ© de l’adduction d’eau, l’excavatrice a mis au jour des sarcophages autour de l’Ă©glise et il n’y a rien d’Ă©tonnant à ça car le cimetière actuel est relativement rĂ©cent et on sait bien qu’autrefois, il Ă©tait coutumier de mettre le cimetière autour des Ă©glises .
A gauche de l’Ă©glise, rue du Château, les maisons qui sont Ă droite de la rue Ă©taient une lĂ©proserie qui avait accès Ă l’Ă©glise par un souterrain qui aboutissait Ă l’Ă©glise Ă cĂ´tĂ© de l’autel de la Vierge comme en tĂ©moigne la grande porte cintrĂ©e et actuellement murĂ©e, Ă l’Ă©poque, elle Ă©tait fermĂ©e par une grille pour permettre aux lĂ©preux d’assister aux offices sans se mĂ©langer avec les autres fidèles : ils avaient la lèpre sèche, donc ils n’Ă©taient pas contagieux, on les appelait  » les blanquets « , tandis que les lĂ©preux contagieux Ă©taient appelĂ©s  » les fadets « et devaient aller se cacher dans la campagne, d’oĂą le nom de la  » Grotte des Fadettes » . Il y a quelques annĂ©es, un maçon qui travaillait Ă restaurer la maison la plus proche de l’Ă©glise a fait la dĂ©couverte de ce souterrain d’accès .
En passant, je voudrais parler de la croyance suivante : On dit qu’il ne faut pas mettre le pain Ă l’envers car ça porte malheur ! : cette croyance vient de ce qu’au Moyen-Age, les lĂ©preux contagieux, qu’on appelait  » les fadets  » devaient aller s’isoler dans la campagne, mais ils n’avaient aucun moyen de subsistance, alors les familles et les voisins leur mettaient du ravitaillement sur le mur du jardin ou sur la fenĂŞtre ; Mais le boulanger, lui aussi, posait le pain sur le mur ou la fenĂŞtre, alors il Ă©tait convenu que le pain destinĂ© aux lĂ©preux serait posĂ© Ă l’envers : donc le pain Ă l’envers signifiait qu’il y avait des malheureux . Mais quand il n’y a plus eu de lĂ©preux, l’expression a Ă©voluĂ© pour devenir :  » ça porte malheur ! «Â
En parcourant la rue des FossĂ©s, on remarque une très belle maison pĂ©rigourdine très typĂ©e, c’est le presbytère . De mĂŞme, sur le parcours de cette rue, on peut voir deux croix de carrefours qui servaient de stations pour les processions des Rogations : ces croix ont ceci de remarquable qu’elles sont en pierre de la rĂ©gion, c’est-Ă -dire de la pierre calcaire dite de l’angoumois : c’est une pierre coquillière ( elle contient une multitude de concrĂ©tions de coquillages ) assez fragile et c’est ce qui explique que les bras des croix sont très courts et donc il n’est pas possible d’y figurer un homme en croix : on y remĂ©die en y mettant des symboles du Christ : un calice surmontĂ© d’une hostie ou les instruments qui ont servi au supplice de JĂ©sus : la Couronne d’Ă©pines, les trois clous ou la lance et le roseau e.t.c. et chaque famille de tailleur de pierre avait sa façon de symboliser le Christ en Croix qu’elles se transmettaient de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration . Pas loin d’ici, Ă LĂ©guillac et Ă Paussac, il n’y a pas encore très longtemps, on disait que tous les hommes de ces communes Ă©taient tailleurs de pierre ! comme on disait qu’Ă La Rochebeaucourt, tous les hommes Ă©taient carriers ou paysans! et on ne manquait pas d’ajouter que toutes les femmes tenaient auberge ( aussitĂ´t avant la dernière guerre il y avait 27 bistrots et auberges ) et en effet, les foires qui avaient lieu tous les premiers jeudis du mois Ă©taient extrĂŞmement importantes, on voyait des alignements de voitures Ă cheval des deux cĂ´tĂ©s des rues et sur toute la longueur : il fallait faire dĂ©jeuner tous ces gens, mais aussi trouver une place d’Ă©curie pour tous ces attelages ! et certains malicieux ne manquaient pas d’ajouter qu’on voyait bien moins de chats dans les rues, les lendemains de foire !!
Nous avons trouvé dans les archives de la Mairie des documents qui indiquaient que les habitants du bourg achetaient le droit de nettoyer des portions de rues au lendemain des foires pour récupérer le fumier pour leurs jardins : il y avait une rue pour la foire aux volailles, une autre pour les porcs ou les chevaux et les ânes et surtout le champ de foire pour les bœufs Il faut bien noter que la commune de La Rochebeaucourt possède 5 Hectares et demi de carrières souterraines sans compter la carrière du Ménieux , à ciel ouvert, dont on tirait de la pierre dure dite aussi  » pierre marbrière  » avec laquelle a été fait le Bassin des Tuileries à Paris .
Ces carrières souterraines marchaient très fort, surtout avec la gare du chemin de fer pour expĂ©dier au loin, mais l’arrivĂ©e du bĂ©ton armĂ© a tellement concurrencĂ©  » la pierre de taille  » qu’il a bien fallu se reconvertir et on s’est mis Ă produire du  » champignon de Paris  » dans ces immenses caves ! Il reste encore la carrière de Font-Babou qui est exploitĂ©e pour la qualitĂ© de sa pierre de taille, mais les moyens modernes d’extraire et manutentionner les blocs rendent rentable ce qui ne l’Ă©tait plus : en effet, il fallait compter une semaine pour deux hommes pour extraire un bloc de quatre Ă cinq tonnes et ensuite, il fallait le charger avec des crics et des rouleaux sur des chars Ă bĹ“ufs pour les acheminer jusqu’Ă la gare .
La gare de La Rochebeaucourt qui date de 1890 a connu une très grande prospĂ©ritĂ© et a Ă©tĂ© primĂ©e au concours des gares fleuries en 1933 : elle faisait la jonction d’AngoulĂŞme Ă PĂ©rigueux par Mussidan oĂą on avait la correspondance avec le train venant de Bordeaux ( partant Ă 9 heure de La Rochebeaucourt, on arrivait en gare de PĂ©rigueux vers 18 heure !! ce n’Ă©tait pas encore le T.G.V. !! )
Le trafic des marchandises y était très important : les bœufs, les noyers, les cercles de barriques, les grains, les pommes de terre, les blocs de pierre de taille et la pierre marbrière e.t.c. car la nouvelle route basse ( la 939 actuelle ) suivait la vallée, ce qui facilitait les attelages venant de Mareuil au détriment de la gare de Mareuil sur la hauteur .
La ligne de chemin de fer a reprĂ©sentĂ© un travail considĂ©rable : bâtir des gares et annexes, des barrières de passages-Ă -niveau, des ponts, des tranchĂ©es taillĂ©es dans la roche, des remblais considĂ©rables et tout ça pour ne durer qu’un siècle et demi !
Cette ligne montait rĂ©gulièrement de La Rochebeaucourt vers Mareuil et au niveau de Boudoire, il y avait des bois de pins qui Ă©taient souvent incendiĂ©s car la locomotive, en pleine accĂ©lĂ©ration projetait des escarbilles qui provoquaient le feu, mais aussi, Ă la saison, ces pins Ă©tant habitĂ©s par d’innombrables nids de chenilles processionneuses, il est arrivĂ©, chose incroyable, qu’il y ait tellement de ces chenilles sur les deux rails que la locomotive s’est mise Ă patiner, ne pouvant plus avancer, elle a dĂ» reculer pour prendre de l’Ă©lan et franchir cette passe difficile !
Le Château : il a le nom de La Rochebeaucourt, mais administrativement il est Ă cheval sur les communes de Combiers et d’Edon en Charente . Il a Ă©tĂ© totalement remaniĂ© vers l’an 1857 pour, de château fĂ©odal, devenir un magnifique château d’agrĂ©ment inspirĂ© de Chambord mais malheureusement, le mercredi 5 fĂ©vrier 1941 le château brĂ»lait : certains prĂ©tendent que c’est un incendie accidentel, mais il me semble incontestable que c’est un incendie volontaire : Au moment de l’armistice, il y a eu la ligne de dĂ©marcation entre la zone occupĂ©e et la zone libre ( dite  » non occupĂ©e  » et surnommĂ©e  » la zone nono  » ! ) et cette ligne de dĂ©marcation passait par La Rochebeaucourt : c’est pour cette raison que ce château avait Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ© pour loger les douaniers et Ă©tant occupĂ© par ces allemands, il y a eu l’incendie !
Plusieurs annĂ©es après la guerre, un jeune qui avait fait des sĂ©jours en Allemagne pour apprendre la langue, travaillait dans un restaurant de Verteillac lorsqu’il a vu arriver une voiture immatriculĂ©e en Allemagne et l’allemand le plus âgĂ© seul parlait en français avec lui, mais en allemand avec les autres convives . A la fin du repas, il a parfaitement entendu l’allemand expliquer aux autres, en allemand, qu’il avait Ă©tĂ© douanier Ă La Rochebeaucourt et qu’il avait reçu de son officier, l’ordre de mettre le feu au château, mais l’incendie ne s’Ă©tant pas Ă©tendu, il a fallu recommencer Ă mettre le feu quelques jours après ! et expliquant ça, il montrait des vielles photos jaunies du château avant l’incendie, pendant et après !
Par la suite, en 1954, le dĂ©mantèlement du château a commencĂ©, mais de façon tellement dĂ©sordonnĂ©e et irrationnelle que le dĂ©molisseur s’y est ruinĂ© et que bien des richesses de ce château ont Ă©tĂ© saccagĂ©es : escaliers et dallages de marbre, cheminĂ©es, statues et balustres e.t.c. Il ne restait que la partie fĂ©odale , c’est-Ă -dire le soubassement du château .
Ce château Ă©tait la demeure des comtes de Galard BĂ©arn, cousins d’Henri IV le BĂ©arnais .
Le Roi Charles IX, le 11 août 1565, venant du Lot et Garonne et passant par Argentine, a passé une nuit au château de La Rochebeaucourt où il a reçu un accueil merveilleux, puis il est allé à Angoulême .
Au cours des Ă©vĂ©nements de la RĂ©volution, le Seigneur de Galard, qui Ă©tait très admiratif de la jeune Pauline de Tourzel, fait tout pour la sortir de la prison du Temple oĂą elle Ă©tait prisonnière avec sa mère, celle-ci Ă©tant prĂ©ceptrice des enfants royaux, donc auprès de ces enfants au Temple . Car il savait bien qu’elle serait guillotinĂ©e ! Mais Pauline, voyant ce qui Ă©tait promis au Roi et Ă sa famille, s’est estimĂ©e indigne de survivre Ă la famille royale et s’est constituĂ©e prisonnière Ă nouveau . Le rĂ©volutionnaire Barras, subjuguĂ© par la beautĂ© de Pauline, l’a prise sous sa protection et c’est alors qu’il y a eu cette chose incroyable : Barras, amoureux fou de Pauline, voit arriver Alexandre-Guillaume de Galard qui rĂ©ussit Ă le convaincre que s’il est vraiment amoureux de Pauline, c’est qu’il la veut heureuse or il ne sera jamais capable de la rendre aussi heureuse que lui ! et Barras rend Pauline Ă Alexandre de Galard !
Par la suite, cet Alexandre a demandĂ© Ă son Ă©pouse Pauline d’Ă©crire ses mĂ©moires qui sont tellement hors du commun qu’il y a eu un livre retraçant sa vie, Ă©crit par un descendant, Mr Gaston de Galard :  » Pauline aimĂ©e  » et par la suite, la tĂ©lĂ©vision en a fait une Ă©mission .
Cet Alexandre de Galard Ă©tait tellement amoureux et admiratif de Pauline qu’il a Ă©difiĂ© un arc de triomphe Ă proximitĂ© du château qu’il a appelĂ©  » A la Vertu  » et Ă proximitĂ© d’une fontaine, près de la Faisanderie, on peut voir une grosse pierre sur laquelle est gravĂ©e cette inscription :  » que jamais ne pĂ©risse le souvenir de Pauline « ! Pauline a Ă©tĂ© inhumĂ©e au cimetière de La Rochebeaucourt, sa tombe est tout Ă cĂ´tĂ© de la chapelle, Ă droite .
AussitĂ´t passĂ© le pont, en vis-Ă -vis du château, on voit un châtelet : c’Ă©tait l’Ă©tude du notaire Chauvet : il Ă©tait passionnĂ© pour les recherches archĂ©ologiques et nous a laissĂ© aux archives de la Charente des rapports intĂ©ressants sur toutes les grottes, dolmens, cromlech, menhir de notre rĂ©gion .
Après la grande dĂ©faite de NapolĂ©on en Russie, la France Ă©tait humiliĂ©e et a tout fait pour redevenir une nation forte : ce qui veut dire une armĂ©e importante et donc une grosse cavalerie : c’est alors que La Rochebeaucourt a Ă©tĂ© choisie pour y Ă©tablir un Ă©levage de chevaux ; c’est pourquoi on a construit une caserne qui est devenue Ă prĂ©sent  » la Faisanderie  » dans le parc du château, les Ă©curies Ă©taient  » Chez Poirier  » Ă cĂ´tĂ© et le bourg comptait un mĂ©decin qui habitait la maison  » Raffard  » aux Blanquets, une pharmacie juste au dessous de la boucherie près du pont, deux charrons, deux marĂ©chaux-ferrants, deux bourreliers et on peut dire que toute la vie Ă©conomique de la rĂ©gion a connu un grand dĂ©veloppement durant toute cette pĂ©riode .
Pour la construction de tout cet ensemble d’Ă©levage de chevaux, il fallait beaucoup de pierres et il n’y en avait guère dans ces terres de sable, alors on a dĂ©mantelĂ© sur Argentine les ruines du  » Château Perroque  » et de celui qui Ă©tait au dessous du cimetière et sans doute aussi un peu de celui qui reste visible en bord de falaise près de  » la tour  » .
Par une ordonnance du Roi Charles X, en date du 21 AoĂ»t 1827, la commune de La Rochebeaucourt a Ă©tĂ© rĂ©unie Ă celle d’Argentine : La Rochebeaucourt ne couvrait que 80 Ha mais avait une place gĂ©ographique très importante et une très grosse activitĂ© Ă©conomique, alors qu’Argentine couvrait 1650 Ha, mais Ă©tait uniquement agricole .
Le nom d’Argentine vient de ce qu’il y avait une importante forge d’affinage qui traitait surtout du fer, mais aussi de l’argent, ce qui Ă©tait très rare et lui a valu ce nom : on trouve des documents faisant mention de livraisons de fer brut de la forge de Saint CrĂ©pin Ă Argentine .
On trouve Ă proximitĂ© d’Argentine des chemins qualifiĂ©s de  » Chemins des Maures  » : comme beaucoup, je pensais que c’Ă©tait  » des morts  » , mais mes lectures m’ont donnĂ© l’explication : Charles Martel, en 732, a arrĂŞtĂ© l’invasion musulmane Ă Poitiers ( on disait alors  » les maures  » ou  » les sarrasins  » ) et ils ont laissĂ© beaucoup de traces dans toute la rĂ©gion : près de Ruffec on trouve le bourg de  » TaizĂ©-AizĂ© « , dĂ©formation de  » Tizi-Ouzou  » en AlgĂ©rie ! et dans toute la rĂ©gion, on ne compte plus tous les noms propres qui se composent du mot  » Maur  » : Montmoreau, par exemple ! Pour faire travailler les animaux, on leur mettait un masque de grillage pour les empĂŞcher de manger la rĂ©colte en travaillant : on appelait ces masques  » des maurillous  » ou  » des maurillons  » et ça venait de ce que les Maures, pour franchir les PyrĂ©nĂ©es sans risquer les chutes de pierres, se munissaient de casques de grillages, mais la montagne franchie, ils n’en avaient plus besoin et s’en dĂ©barrassaient : les paysans les ont rĂ©cupĂ©rĂ©s pour mettre Ă leurs bĂŞtes : d’oĂą le nom !
Sur  » la route des Carrières de Font-Babou  » ( l’ancienne voie romaine PĂ©rigueux – Saintes ) juste au dessus du cimetière, de chaque cĂ´tĂ© de la route, on peut voir des bornes : c’Ă©tait la barrière douanière Allemande qui sĂ©parait la zone occupĂ©e ( La Rochebeaucourt ) de la zone libre : vers Sainte-Croix et Mareuil : chaque route allant vers la zone libre Ă©tait coupĂ©e par une barrière semblable : celle-ci a Ă©tĂ© maintenue comme Monument Historique pour que les jeunes gĂ©nĂ©rations se souviennent que les Nazis sont venus jusque lĂ et les inciter Ă veiller pour que de semblables rĂ©gimes ne se revoient jamais !
Il me paraĂ®t intĂ©ressant de citer quelques personnages qui sont issus ou ont habitĂ© notre commune : Le GĂ©nĂ©ral de Gaulle a passĂ© une partie de sa jeunesse au château de La Ligerie, près de Fontaine, sur la commune de Champagne-Fontaine et après la LibĂ©ration, il se plaisait Ă y revenir et c’Ă©tait pour lui l’occasion de passer par La Rochebeaucourt oĂą on lui a fait un accueil triomphal .
Je parlais de la Maison Raffard : une des filles a épousé un Monsieur Desmarais, les pétroles Desmarais, devenus ELF ; une autre a épousé un Monsieur Morane, les avions Morane qui ont fait la fierté de la France au moment de la guerre de 39 / 45 !
Le Docteur Turner : Il a Ă©tĂ© mĂ©decin Ă la cour de Grèce puis Ă la cour de Belgique et ensuite MĂ©decin-Chef Ă l’hĂ´pital AmĂ©ricain de Neuilly et comme il Ă©tait sujet AmĂ©ricain, au moment de l’invasion de la France par les Allemands, il subissait toutes sortes de vexations . Son ami, Mr Morane lui a conseillĂ© d’aller se rĂ©fugier Ă la campagne et lui a indiquĂ© La Rochebeaucourt : il a Ă©tĂ© accueilli chez une famille de Fieux .
Ce Dr Turner racontait qu’il avait Ă©tĂ© missionnĂ© par le Gouvernement AmĂ©ricain pour assister Ă la cĂ©rĂ©monie après la rĂ©paration de la cathĂ©drale de Reims qui avait Ă©tĂ© très endommagĂ©e par la guerre de 14 : cette restauration avait coĂ»tĂ© une fortune et le Dr ajoutait qu’Ă ce moment, c’Ă©tait exactement le montant de sa fortune personnelle !! Il vivait pourtant très simplement et en parfaite sympathie avec tous les habitants de la commune et se montrait très gĂ©nĂ©reux au point qu’Ă sa mort il avait distribuĂ© toute sa fortune Ă des Ĺ“uvres caritatives, surtout en PĂ©rigord , ne laissant rien Ă ses enfants : l’un, Richard Ă©tait Directeur de l’aĂ©roport de Chicago et l’autre, Robert Ă©tait converti au catholicisme et a Ă©tĂ© Provincial des Dominicains
Paul DĂ©roulède a habitĂ© la Maison du Chapitre, il Ă©tait natif de Langelie, près de Gurat en Charente, mais a passĂ© la majeure partie de sa vie Ă Paris : Fils d’avocat, au moment de la guerre de 1870, il avait alors 26 ans et se promenait Ă la campagne, non loin de Paris, en compagnie d’une jeune fille ; Le voyant, un paysan lui demande oĂą en est la guerre, mais il a cette rĂ©ponse :  » Oh ! vous savez, la guerre ne m’intĂ©resse pas du tout !  » ce qui lui vaut cette rĂ©ponse cinglante qui va bouleverser sa vie :  » Bien sĂ»r, la guerre ne vous inquiète pas parce que vous, vous avez de l’argent pour payer pour que ce soit nos fils qui aillent se faire tuer Ă votre place ! «Â
Cette rĂ©ponse bien envoyĂ©e lui a fait basculer sa vie : il s’est mis dans la politique, est devenu dĂ©putĂ©, a orientĂ© ses Ă©crits sur le nationalisme, a Ă©crit des chants patriotiques qui faisaient partie du programme scolaire encore avant la guerre de 39 / 45 et il faisait des rĂ©unions publiques pour convaincre les Français qu’il fallait faire le sacrifice de sa vie pour sauver la Patrie : on le voyait accrochĂ© aux grilles de la fonderie de Ruelle, près d’AngoulĂŞme pour haranguer les ouvriers de la fonderie, au moment de la dĂ©bauche : On peut penser que son militantisme en faveur du nationalisme a beaucoup fait pour prĂ©parer les esprits et provoquer tous ces hĂ©roĂŻsmes au moment de la guerre de 14 .
Durant la guerre de 39 / 45 le Plateau d’Argentine a Ă©tĂ© un terrain d’aviation clandestin, des petits avions alliĂ©s, après avoir parachutĂ© des armes et des munitions sur la France, venaient se poser Ă Argentine, guidĂ©s dans leurs manĹ“uvres par des rĂ©sistants, et lĂ , ils rĂ©cupĂ©raient des aviateurs alliĂ©s qui avaient Ă©tĂ© descendus par la DCA Allemande .
C’est ainsi qu’il y avait une jeune speakerine Ă la BBC qui voulait se rendre utile dans la lutte contre les Nazis et s’Ă©tait engagĂ©e dans l’aviation . Elle avait appris Ă piloter aux cĂ´tĂ©s de pilotes Français et ainsi avait appris les chants français de l’Ă©poque : la guerre finie, et durant plusieurs annĂ©es, cette dame venait avec des amis Anglais camper à  » L’Etang Bleu « , près de Vieux-Mareuil et venait Ă notre  » fĂŞte des grottes  » oĂą elle montrait beaucoup d’entrain . Tous les ans elle m’Ă©crivait et me montrait beaucoup d’amitiĂ©, mais elle a dĂ» dĂ©cĂ©der car depuis plusieurs annĂ©es elle ne m’Ă©crit plus et je ne retrouve plus son adresse . Après la guerre, elle avait organisĂ© une Ĺ“uvre pour venir en aide aux orphelins de guerre Anglais
La Mairie actuelle Ă©tait une halle utilisĂ©e pour les jours de foire et le reste du temps, servait de lieu de rĂ©crĂ©ation car l’Ă©cole Ă©tait au dessus de la Mairie actuelle : Avant la guerre, les mĂ©thodes Ă©ducatives n’Ă©taient pas aussi strictes que de nos jours et c’est ainsi qu’un instituteur punissait les Ă©lèves en les mettant debout sur la fenĂŞtre : qu’on observe la hauteur de la fenĂŞtre du deuxième Ă©tage, cĂ´tĂ© Route de RibĂ©rac ! c’est sans doute lĂ que certains ont trouvĂ© leur vocation ! : l’un, Mr Mornet est devenu moniteur parachutiste Ă Pau et un autre est devenu GĂ©nĂ©ral d’aviation : le GĂ©nĂ©ral Lavigne ! !
Le Plateau d’Argentine, après avoir Ă©tĂ© un terrain d’atterrissage clandestin pendant la guerre, Ă prĂ©sent est devenu un petit aĂ©rodrome de plaisance oĂą on peut avoir le baptĂŞme de l’air ou demander Ă faire une promenade en avion vers l’Auvergne ou vers l’Atlantique .
Juste avant la guerre de 39 / 45, l’AbbĂ© Breuil, archĂ©ologue, a dĂ©couvert un squelette qu’il estimait très ancien, ceci, dans une grotte du MĂ©nieux, juste en vis-Ă -vis du château de Fieux .
En limite de la commune, mais sur Sainte Croix, on voit l’usine de Carbonate en pâte ( Charges MinĂ©rales du PĂ©rigord ) Au cours d’extraction de la pierre, un ouvrier a dĂ©couvert, dans un  » aven « , une concrĂ©tion de squelette de bison qui a Ă©tĂ© transportĂ© soigneusement au musĂ©e d’AngoulĂŞme oĂą on peut le voir .
Cette usine produit du carbonate en pâte d’une très grande puretĂ© qui est employĂ© pour l’affinage du papier, notamment le papier de photocopieur, mais cette extraction ne peut se faire que sur une profondeur d’environ quinze mètres car au dessous, c’est une roche extrĂŞmement dure, du marbre qui est extrait et expĂ©diĂ© Ă Carrare, en Italie, oĂą il est travaillĂ©, mis en carrelage garanti Ă©prouvĂ© au gel et commercialisĂ© sous le nom de  » Pierre de Sainte Croix  » . C’est, Ă l’Ă©vidence, le mĂŞme gisement qui Ă©tait exploitĂ© de l’autre cĂ´tĂ© de la Nizonne, au MĂ©nieux, et d’oĂą a Ă©tĂ© tirĂ©e la pierre pour le  » Bassin des Tuilleries  » Ă Paris .
Ce petit exposĂ© n’est qu’un très bref rĂ©sumĂ© de tout ce qu’il y aurait Ă dire sur notre belle commune de La Rochebeaucourt : Il serait intĂ©ressant de parler des grottes des Fadettes et de celles d’Argentine : la grotte des sarcophages, la grotte des Anglais, le pigeonnier rupestre . La lĂ©gende  » d’Aurore d’Argentine  » ( on peut trouver des explications sur ces sites dans la petite brochure  » Les Grottes d’Argentine Ă La Rochebeaucourt en PĂ©rigord  » disponible au bureau de tabac de La Rochebeaucourt et de Mareuil et Ă l’Ă©picerie de La Rochebeaucourt .
Ă La Rochebeaucourt le 18 mai 2008
Alain de Ruffray