Alain de Ruffray
La Truffière
24340 La Rochebeaucourt
05 53 60 92 10
LA ROCHEBEAUCOURT
Le nom de La Rochebeaucourt évoque les nombreuses falaises qui frappent la vue du voyageur qui arrive de la Charente et il semble que » beaucourt » vienne du latin » bos curtis » c’est-à-dire » les bœufs castrés » : en effet, Pline Le Jeune, l’écrivain latin, vers l’an 80 après Jésus-Christ, parlait déjà des grosses foires aux bœufs de La Rochebeaucourt .
Il faut bien voir que La Rochebeaucourt se situe à la rencontre de deux voies romaines très importantes : Périgueux – Saintes, c’est-à-dire Saintes – Rome et la voie Bretagne – Espagne , c’est-à-dire la route de Saint Jacques de Compostelle ( nous y reviendrons ) : ces deux voies se réunissaient en un tronc commun depuis Edon jusqu’à la sortie du bourg de La Rochebeaucourt pour se séparer, l’une allant vers Périgueux par Sainte Croix de Mareuil et l’autre allant sur le plateau d’Argentine où toute une longueur est encore apparente par ses bordures de pierres bien alignées, très typiques des voies romaines pour prendre la route actuelle, bien droite, de Verteillac, Ribérac et rejoindre Sainte Foy la Grande où il y avait un gué très important, par où convergeaient toutes les routes qui voulaient franchir la Dordogne à un endroit où la marée ne se fait pas trop sentir . ( Il est remarquable que d’une commune à l’autre, la même route soit encore indiquée sur le plan du cadastre, tantôt » voie romaine » , tantôt » route de Sainte Foy la Grande » )
La Rochebeaucourt est également à la limite de deux types géologiques très différents : vers la Charente, Combiers, Rougnac, on trouve des terres sableuses favorables aux châtaigniers et aux prairies, donc pour l’élevage des bovins et de l’autre, vers Verteillac, c’est le Périgord Blanc, c’est-à-dire un terrain calcaire favorable à la culture de la vigne et des céréales pour lesquelles il fallait des attelages de bœufs .
Il est compréhensible que ces deux éléments : la jonction de ces deux voies romaines importantes et la rencontre de ces deux types géologiques si différents ont été des facteurs très déterminants pour le développement économique de La Rochebeaucourt, et ceci depuis l’époque Gauloise ! Il y avait des échanges importants et des foires énormes très suivies jusqu’à la guerre de 39 / 45 .
Il est important, ici, de parler un peu de la rivière, la Nizonne : En langue celte, la désinence » onne » signifie » rivière » ( la Garonne, la Dronne, la Boronne e.t.c. ) et le mot » Alice » comme le prénom, signifie » blanc » et comme cette rivière coule en terres calcaires, donc blanches, il apparaît évident qu’à l’origine cette rivière aurait dû s’écrire » l » apostrophe et » Alizonne » mais surtout autrefois, la langue était bien plus parlée qu’écrite , le nom a donc évolué comme le prouve le fait qu’à la limite de la commune de La Rochebeaucourt et de Champagne, la même rivière ne s’appelle plus » Nizonne » mais » Lizonne » !! et de plus, on remarque que dans le parc du château de La Rochebeaucourt, il y a une fontaine qui s’appelle la » Fontaine Alice » et une autre » la Fontaine Blanche » !! Et de plus, La Rochebeaucourt est en Périgord Vert, mais en limite du Périgord Blanc !
On remarque qu’à l’arrivée au bourg, la Nizonne fait une grande boucle de contournement et en vis-à-vis, on voit la » rue des Fossés » qui fermait la boucle de la rivière et encerclait tout le bourg : c’était une fortification de la ville à l’époque gauloise !!
Traversant le bourg en direction de Ribérac, sur le plateau, on ne peut que remarquer des vastes marches d’accès à une grande maison haute et les linteaux des fenêtres du haut sont agrémentés de coquilles Saint-Jacques ! Nous sommes sur » la Route d’Espagne « , la route de Compostelle et c’était une belle auberge qui se signalait aux pèlerins par cette coquille ! et s’il était possible de visiter cette maison, on y verrait un vaste escalier tournant en pierres et en prolongement du magasin actuel, une grande salle voûtée qui se prêtait très bien pour y faire le restaurant !
Aussitôt passée cette auberge, et le tournant qui suit, une grande maison haute, à droite, fait un rétrécissement à la rue : c’est la » Maison du Chapitre » : c’est là qu’habitaient des chanoines : ils ont été de 7 à 35 selon les époques et ils vivaient du passage des pèlerins principalement ; ( de même qu’à Brantôme, le cadet de la famille de Bourdeilles avait le titre d’ » abbé » sans être prêtre, mais encaissait les revenus de l’abbaye, de même, le cadet de la famille des châtelains de La Rochebeaucourt avait les revenus du chapitre ) mais il y avait la dure concurrence des moines de l’ordre de Cluny qui étaient à Argentine, tout-à-côté et qui arrêtaient les pèlerins à leur profit, alors c’était la guerre entre ces deux communautés, au point que le pape Anastase IV, en 1153, y est venu pour y rétablir la paix . Venant avec sa mule de visiter une petite communauté religieuse de Soudat, près de Varaignes, il s’est fait héberger par les chanoines car comme il était originaire de l’ordre de Cluny, il ne voulait pas être soupçonné de favoriser les moines de Cluny qui étaient à Argentine, mais sans doute les chanoines étaient-ils un peu irascibles car au bout de huit jours ils ont mis le pape dehors ! il a dû reprendre sa mule et aller chercher refuge à Mareuil dans une petite communauté située à l’angle de la rue actuelle du Repaire, actuellement, c’est la boucherie Bordas ! Puis, voyant qu’il n’arrivait pas à rétablir la paix, il a chargé l’évêque de Limoges et celui de Saintes de faire le nécessaire, mais ils ont échoué ! Quant-au pape, il a repris sa mule pour aller près de Blanzac, visiter les templiers de Porcheresse, puis il est allé à Bordeaux !
Avant de devenir » la Maison du Chapitre » c’était une des portes de la ville, la principale si on en juge par son importance : il y avait trois tours avec des trous de visée, mais une a été rasée car elle menaçait ruine et les autres ont été nivelées à hauteur de la toiture du corps principal, au XVIII ° siècle, car à cette époque, il y a eu un gros impôt sur les tours ( c’est ce qui explique aussi que la tour d’escalier du prieuré des Martres ait été tronquée ) Pour donner la mesure de l’importance de cette porte, il faut bien savoir qu’en vis-à-vis de cette maison, il y a une autre grande maison qui masque une autre tour de défense tronquée elle aussi au niveau de la toiture voisine et visible seulement de l’intérieur et depuis le sous-sol de la Maison du Chapitre, on peut encore voir le départ d’un souterrain qui a été muré, mais qui rejoignait la maison de l’autre côté de la rue .
La ville était aussi protégée par deux autres portes dont une a totalement disparu, elle se trouvait à la limite de la rue des Fossés et de la rue actuelle des Ecoles . L’autre gardait le gué ( le pont et la 939 actuelle ne datent que de 1844 ) cette porte ne se devine pas actuellement car il n’en reste qu’une tour d’escalier à l’intérieur de l’ancienne boucherie, tout près du pont et cette tour a été tronquée elle aussi .
La Rochebeaucourt possède une belle église romane du IX° siècle qui a été confiée à l’ordre de Cluny au XII° siècle pour être restaurée . Elle a pour patron Saint Théodore : A l’origine, elle avait une voûte qui s’est effondrée et a été remplacée par une charpente et une toiture banale qui a été restaurée récemment et les ouvriers ont alors découvert dans la charpente ancienne, un petit triptyque : le compagnon qui a fait cette précieuse découverte a prétendu qu’à l’époque où cette charpente a été mise, il était d’usage d’y fixer une icône pour que l’édifice soit protégé de la foudre et de l’incendie : c’est pour cette raison que ce triptyque a été remis dans la nouvelle charpente et ainsi les visiteurs n’ont malheureusement pas le loisir d’admirer cette icône !
Une tradition insistante veut qu’il y ait une crypte sous le chœur de l’église où seraient inhumés les seigneurs de La Rochebeaucourt, et il y a des éléments sérieux pour y croire : ce serait intéressant de faire des fouilles pour en avoir confirmation, mais cette église étant classée, il n’est pas possible de le faire .
Lorsque le bourg s’est équipé de l’adduction d’eau, l’excavatrice a mis au jour des sarcophages autour de l’église et il n’y a rien d’étonnant à ça car le cimetière actuel est relativement récent et on sait bien qu’autrefois, il était coutumier de mettre le cimetière autour des églises .
A gauche de l’église, rue du Château, les maisons qui sont à droite de la rue étaient une léproserie qui avait accès à l’église par un souterrain qui aboutissait à l’église à côté de l’autel de la Vierge comme en témoigne la grande porte cintrée et actuellement murée, à l’époque, elle était fermée par une grille pour permettre aux lépreux d’assister aux offices sans se mélanger avec les autres fidèles : ils avaient la lèpre sèche, donc ils n’étaient pas contagieux, on les appelait » les blanquets « , tandis que les lépreux contagieux étaient appelés » les fadets « et devaient aller se cacher dans la campagne, d’où le nom de la » Grotte des Fadettes » . Il y a quelques années, un maçon qui travaillait à restaurer la maison la plus proche de l’église a fait la découverte de ce souterrain d’accès .
En passant, je voudrais parler de la croyance suivante : On dit qu’il ne faut pas mettre le pain à l’envers car ça porte malheur ! : cette croyance vient de ce qu’au Moyen-Age, les lépreux contagieux, qu’on appelait » les fadets » devaient aller s’isoler dans la campagne, mais ils n’avaient aucun moyen de subsistance, alors les familles et les voisins leur mettaient du ravitaillement sur le mur du jardin ou sur la fenêtre ; Mais le boulanger, lui aussi, posait le pain sur le mur ou la fenêtre, alors il était convenu que le pain destiné aux lépreux serait posé à l’envers : donc le pain à l’envers signifiait qu’il y avait des malheureux . Mais quand il n’y a plus eu de lépreux, l’expression a évolué pour devenir : » ça porte malheur ! «
En parcourant la rue des Fossés, on remarque une très belle maison périgourdine très typée, c’est le presbytère . De même, sur le parcours de cette rue, on peut voir deux croix de carrefours qui servaient de stations pour les processions des Rogations : ces croix ont ceci de remarquable qu’elles sont en pierre de la région, c’est-à-dire de la pierre calcaire dite de l’angoumois : c’est une pierre coquillière ( elle contient une multitude de concrétions de coquillages ) assez fragile et c’est ce qui explique que les bras des croix sont très courts et donc il n’est pas possible d’y figurer un homme en croix : on y remédie en y mettant des symboles du Christ : un calice surmonté d’une hostie ou les instruments qui ont servi au supplice de Jésus : la Couronne d’épines, les trois clous ou la lance et le roseau e.t.c. et chaque famille de tailleur de pierre avait sa façon de symboliser le Christ en Croix qu’elles se transmettaient de génération en génération . Pas loin d’ici, à Léguillac et à Paussac, il n’y a pas encore très longtemps, on disait que tous les hommes de ces communes étaient tailleurs de pierre ! comme on disait qu’à La Rochebeaucourt, tous les hommes étaient carriers ou paysans! et on ne manquait pas d’ajouter que toutes les femmes tenaient auberge ( aussitôt avant la dernière guerre il y avait 27 bistrots et auberges ) et en effet, les foires qui avaient lieu tous les premiers jeudis du mois étaient extrêmement importantes, on voyait des alignements de voitures à cheval des deux côtés des rues et sur toute la longueur : il fallait faire déjeuner tous ces gens, mais aussi trouver une place d’écurie pour tous ces attelages ! et certains malicieux ne manquaient pas d’ajouter qu’on voyait bien moins de chats dans les rues, les lendemains de foire !!
Nous avons trouvé dans les archives de la Mairie des documents qui indiquaient que les habitants du bourg achetaient le droit de nettoyer des portions de rues au lendemain des foires pour récupérer le fumier pour leurs jardins : il y avait une rue pour la foire aux volailles, une autre pour les porcs ou les chevaux et les ânes et surtout le champ de foire pour les bœufs Il faut bien noter que la commune de La Rochebeaucourt possède 5 Hectares et demi de carrières souterraines sans compter la carrière du Ménieux , à ciel ouvert, dont on tirait de la pierre dure dite aussi » pierre marbrière » avec laquelle a été fait le Bassin des Tuileries à Paris .
Ces carrières souterraines marchaient très fort, surtout avec la gare du chemin de fer pour expédier au loin, mais l’arrivée du béton armé a tellement concurrencé » la pierre de taille » qu’il a bien fallu se reconvertir et on s’est mis à produire du » champignon de Paris » dans ces immenses caves ! Il reste encore la carrière de Font-Babou qui est exploitée pour la qualité de sa pierre de taille, mais les moyens modernes d’extraire et manutentionner les blocs rendent rentable ce qui ne l’était plus : en effet, il fallait compter une semaine pour deux hommes pour extraire un bloc de quatre à cinq tonnes et ensuite, il fallait le charger avec des crics et des rouleaux sur des chars à bœufs pour les acheminer jusqu’à la gare .
La gare de La Rochebeaucourt qui date de 1890 a connu une très grande prospérité et a été primée au concours des gares fleuries en 1933 : elle faisait la jonction d’Angoulême à Périgueux par Mussidan où on avait la correspondance avec le train venant de Bordeaux ( partant à 9 heure de La Rochebeaucourt, on arrivait en gare de Périgueux vers 18 heure !! ce n’était pas encore le T.G.V. !! )
Le trafic des marchandises y était très important : les bœufs, les noyers, les cercles de barriques, les grains, les pommes de terre, les blocs de pierre de taille et la pierre marbrière e.t.c. car la nouvelle route basse ( la 939 actuelle ) suivait la vallée, ce qui facilitait les attelages venant de Mareuil au détriment de la gare de Mareuil sur la hauteur .
La ligne de chemin de fer a représenté un travail considérable : bâtir des gares et annexes, des barrières de passages-à-niveau, des ponts, des tranchées taillées dans la roche, des remblais considérables et tout ça pour ne durer qu’un siècle et demi !
Cette ligne montait régulièrement de La Rochebeaucourt vers Mareuil et au niveau de Boudoire, il y avait des bois de pins qui étaient souvent incendiés car la locomotive, en pleine accélération projetait des escarbilles qui provoquaient le feu, mais aussi, à la saison, ces pins étant habités par d’innombrables nids de chenilles processionneuses, il est arrivé, chose incroyable, qu’il y ait tellement de ces chenilles sur les deux rails que la locomotive s’est mise à patiner, ne pouvant plus avancer, elle a dû reculer pour prendre de l’élan et franchir cette passe difficile !
Le Château : il a le nom de La Rochebeaucourt, mais administrativement il est à cheval sur les communes de Combiers et d’Edon en Charente . Il a été totalement remanié vers l’an 1857 pour, de château féodal, devenir un magnifique château d’agrément inspiré de Chambord mais malheureusement, le mercredi 5 février 1941 le château brûlait : certains prétendent que c’est un incendie accidentel, mais il me semble incontestable que c’est un incendie volontaire : Au moment de l’armistice, il y a eu la ligne de démarcation entre la zone occupée et la zone libre ( dite » non occupée » et surnommée » la zone nono » ! ) et cette ligne de démarcation passait par La Rochebeaucourt : c’est pour cette raison que ce château avait été réquisitionné pour loger les douaniers et étant occupé par ces allemands, il y a eu l’incendie !
Plusieurs années après la guerre, un jeune qui avait fait des séjours en Allemagne pour apprendre la langue, travaillait dans un restaurant de Verteillac lorsqu’il a vu arriver une voiture immatriculée en Allemagne et l’allemand le plus âgé seul parlait en français avec lui, mais en allemand avec les autres convives . A la fin du repas, il a parfaitement entendu l’allemand expliquer aux autres, en allemand, qu’il avait été douanier à La Rochebeaucourt et qu’il avait reçu de son officier, l’ordre de mettre le feu au château, mais l’incendie ne s’étant pas étendu, il a fallu recommencer à mettre le feu quelques jours après ! et expliquant ça, il montrait des vielles photos jaunies du château avant l’incendie, pendant et après !
Par la suite, en 1954, le démantèlement du château a commencé, mais de façon tellement désordonnée et irrationnelle que le démolisseur s’y est ruiné et que bien des richesses de ce château ont été saccagées : escaliers et dallages de marbre, cheminées, statues et balustres e.t.c. Il ne restait que la partie féodale , c’est-à-dire le soubassement du château .
Ce château était la demeure des comtes de Galard Béarn, cousins d’Henri IV le Béarnais .
Le Roi Charles IX, le 11 août 1565, venant du Lot et Garonne et passant par Argentine, a passé une nuit au château de La Rochebeaucourt où il a reçu un accueil merveilleux, puis il est allé à Angoulême .
Au cours des événements de la Révolution, le Seigneur de Galard, qui était très admiratif de la jeune Pauline de Tourzel, fait tout pour la sortir de la prison du Temple où elle était prisonnière avec sa mère, celle-ci étant préceptrice des enfants royaux, donc auprès de ces enfants au Temple . Car il savait bien qu’elle serait guillotinée ! Mais Pauline, voyant ce qui était promis au Roi et à sa famille, s’est estimée indigne de survivre à la famille royale et s’est constituée prisonnière à nouveau . Le révolutionnaire Barras, subjugué par la beauté de Pauline, l’a prise sous sa protection et c’est alors qu’il y a eu cette chose incroyable : Barras, amoureux fou de Pauline, voit arriver Alexandre-Guillaume de Galard qui réussit à le convaincre que s’il est vraiment amoureux de Pauline, c’est qu’il la veut heureuse or il ne sera jamais capable de la rendre aussi heureuse que lui ! et Barras rend Pauline à Alexandre de Galard !
Par la suite, cet Alexandre a demandé à son épouse Pauline d’écrire ses mémoires qui sont tellement hors du commun qu’il y a eu un livre retraçant sa vie, écrit par un descendant, Mr Gaston de Galard : » Pauline aimée » et par la suite, la télévision en a fait une émission .
Cet Alexandre de Galard était tellement amoureux et admiratif de Pauline qu’il a édifié un arc de triomphe à proximité du château qu’il a appelé » A la Vertu » et à proximité d’une fontaine, près de la Faisanderie, on peut voir une grosse pierre sur laquelle est gravée cette inscription : » que jamais ne périsse le souvenir de Pauline « ! Pauline a été inhumée au cimetière de La Rochebeaucourt, sa tombe est tout à côté de la chapelle, à droite .
Aussitôt passé le pont, en vis-à-vis du château, on voit un châtelet : c’était l’étude du notaire Chauvet : il était passionné pour les recherches archéologiques et nous a laissé aux archives de la Charente des rapports intéressants sur toutes les grottes, dolmens, cromlech, menhir de notre région .
Après la grande défaite de Napoléon en Russie, la France était humiliée et a tout fait pour redevenir une nation forte : ce qui veut dire une armée importante et donc une grosse cavalerie : c’est alors que La Rochebeaucourt a été choisie pour y établir un élevage de chevaux ; c’est pourquoi on a construit une caserne qui est devenue à présent » la Faisanderie » dans le parc du château, les écuries étaient » Chez Poirier » à côté et le bourg comptait un médecin qui habitait la maison » Raffard » aux Blanquets, une pharmacie juste au dessous de la boucherie près du pont, deux charrons, deux maréchaux-ferrants, deux bourreliers et on peut dire que toute la vie économique de la région a connu un grand développement durant toute cette période .
Pour la construction de tout cet ensemble d’élevage de chevaux, il fallait beaucoup de pierres et il n’y en avait guère dans ces terres de sable, alors on a démantelé sur Argentine les ruines du » Château Perroque » et de celui qui était au dessous du cimetière et sans doute aussi un peu de celui qui reste visible en bord de falaise près de » la tour » .
Par une ordonnance du Roi Charles X, en date du 21 Août 1827, la commune de La Rochebeaucourt a été réunie à celle d’Argentine : La Rochebeaucourt ne couvrait que 80 Ha mais avait une place géographique très importante et une très grosse activité économique, alors qu’Argentine couvrait 1650 Ha, mais était uniquement agricole .
Le nom d’Argentine vient de ce qu’il y avait une importante forge d’affinage qui traitait surtout du fer, mais aussi de l’argent, ce qui était très rare et lui a valu ce nom : on trouve des documents faisant mention de livraisons de fer brut de la forge de Saint Crépin à Argentine .
On trouve à proximité d’Argentine des chemins qualifiés de » Chemins des Maures » : comme beaucoup, je pensais que c’était » des morts » , mais mes lectures m’ont donné l’explication : Charles Martel, en 732, a arrêté l’invasion musulmane à Poitiers ( on disait alors » les maures » ou » les sarrasins » ) et ils ont laissé beaucoup de traces dans toute la région : près de Ruffec on trouve le bourg de » Taizé-Aizé « , déformation de » Tizi-Ouzou » en Algérie ! et dans toute la région, on ne compte plus tous les noms propres qui se composent du mot » Maur » : Montmoreau, par exemple ! Pour faire travailler les animaux, on leur mettait un masque de grillage pour les empêcher de manger la récolte en travaillant : on appelait ces masques » des maurillous » ou » des maurillons » et ça venait de ce que les Maures, pour franchir les Pyrénées sans risquer les chutes de pierres, se munissaient de casques de grillages, mais la montagne franchie, ils n’en avaient plus besoin et s’en débarrassaient : les paysans les ont récupérés pour mettre à leurs bêtes : d’où le nom !
Sur » la route des Carrières de Font-Babou » ( l’ancienne voie romaine Périgueux – Saintes ) juste au dessus du cimetière, de chaque côté de la route, on peut voir des bornes : c’était la barrière douanière Allemande qui séparait la zone occupée ( La Rochebeaucourt ) de la zone libre : vers Sainte-Croix et Mareuil : chaque route allant vers la zone libre était coupée par une barrière semblable : celle-ci a été maintenue comme Monument Historique pour que les jeunes générations se souviennent que les Nazis sont venus jusque là et les inciter à veiller pour que de semblables régimes ne se revoient jamais !
Il me paraît intéressant de citer quelques personnages qui sont issus ou ont habité notre commune : Le Général de Gaulle a passé une partie de sa jeunesse au château de La Ligerie, près de Fontaine, sur la commune de Champagne-Fontaine et après la Libération, il se plaisait à y revenir et c’était pour lui l’occasion de passer par La Rochebeaucourt où on lui a fait un accueil triomphal .
Je parlais de la Maison Raffard : une des filles a épousé un Monsieur Desmarais, les pétroles Desmarais, devenus ELF ; une autre a épousé un Monsieur Morane, les avions Morane qui ont fait la fierté de la France au moment de la guerre de 39 / 45 !
Le Docteur Turner : Il a été médecin à la cour de Grèce puis à la cour de Belgique et ensuite Médecin-Chef à l’hôpital Américain de Neuilly et comme il était sujet Américain, au moment de l’invasion de la France par les Allemands, il subissait toutes sortes de vexations . Son ami, Mr Morane lui a conseillé d’aller se réfugier à la campagne et lui a indiqué La Rochebeaucourt : il a été accueilli chez une famille de Fieux .
Ce Dr Turner racontait qu’il avait été missionné par le Gouvernement Américain pour assister à la cérémonie après la réparation de la cathédrale de Reims qui avait été très endommagée par la guerre de 14 : cette restauration avait coûté une fortune et le Dr ajoutait qu’à ce moment, c’était exactement le montant de sa fortune personnelle !! Il vivait pourtant très simplement et en parfaite sympathie avec tous les habitants de la commune et se montrait très généreux au point qu’à sa mort il avait distribué toute sa fortune à des œuvres caritatives, surtout en Périgord , ne laissant rien à ses enfants : l’un, Richard était Directeur de l’aéroport de Chicago et l’autre, Robert était converti au catholicisme et a été Provincial des Dominicains
Paul Déroulède a habité la Maison du Chapitre, il était natif de Langelie, près de Gurat en Charente, mais a passé la majeure partie de sa vie à Paris : Fils d’avocat, au moment de la guerre de 1870, il avait alors 26 ans et se promenait à la campagne, non loin de Paris, en compagnie d’une jeune fille ; Le voyant, un paysan lui demande où en est la guerre, mais il a cette réponse : » Oh ! vous savez, la guerre ne m’intéresse pas du tout ! » ce qui lui vaut cette réponse cinglante qui va bouleverser sa vie : » Bien sûr, la guerre ne vous inquiète pas parce que vous, vous avez de l’argent pour payer pour que ce soit nos fils qui aillent se faire tuer à votre place ! «
Cette réponse bien envoyée lui a fait basculer sa vie : il s’est mis dans la politique, est devenu député, a orienté ses écrits sur le nationalisme, a écrit des chants patriotiques qui faisaient partie du programme scolaire encore avant la guerre de 39 / 45 et il faisait des réunions publiques pour convaincre les Français qu’il fallait faire le sacrifice de sa vie pour sauver la Patrie : on le voyait accroché aux grilles de la fonderie de Ruelle, près d’Angoulême pour haranguer les ouvriers de la fonderie, au moment de la débauche : On peut penser que son militantisme en faveur du nationalisme a beaucoup fait pour préparer les esprits et provoquer tous ces héroïsmes au moment de la guerre de 14 .
Durant la guerre de 39 / 45 le Plateau d’Argentine a été un terrain d’aviation clandestin, des petits avions alliés, après avoir parachuté des armes et des munitions sur la France, venaient se poser à Argentine, guidés dans leurs manœuvres par des résistants, et là, ils récupéraient des aviateurs alliés qui avaient été descendus par la DCA Allemande .
C’est ainsi qu’il y avait une jeune speakerine à la BBC qui voulait se rendre utile dans la lutte contre les Nazis et s’était engagée dans l’aviation . Elle avait appris à piloter aux côtés de pilotes Français et ainsi avait appris les chants français de l’époque : la guerre finie, et durant plusieurs années, cette dame venait avec des amis Anglais camper à » L’Etang Bleu « , près de Vieux-Mareuil et venait à notre » fête des grottes » où elle montrait beaucoup d’entrain . Tous les ans elle m’écrivait et me montrait beaucoup d’amitié, mais elle a dû décéder car depuis plusieurs années elle ne m’écrit plus et je ne retrouve plus son adresse . Après la guerre, elle avait organisé une œuvre pour venir en aide aux orphelins de guerre Anglais
La Mairie actuelle était une halle utilisée pour les jours de foire et le reste du temps, servait de lieu de récréation car l’école était au dessus de la Mairie actuelle : Avant la guerre, les méthodes éducatives n’étaient pas aussi strictes que de nos jours et c’est ainsi qu’un instituteur punissait les élèves en les mettant debout sur la fenêtre : qu’on observe la hauteur de la fenêtre du deuxième étage, côté Route de Ribérac ! c’est sans doute là que certains ont trouvé leur vocation ! : l’un, Mr Mornet est devenu moniteur parachutiste à Pau et un autre est devenu Général d’aviation : le Général Lavigne ! !
Le Plateau d’Argentine, après avoir été un terrain d’atterrissage clandestin pendant la guerre, à présent est devenu un petit aérodrome de plaisance où on peut avoir le baptême de l’air ou demander à faire une promenade en avion vers l’Auvergne ou vers l’Atlantique .
Juste avant la guerre de 39 / 45, l’Abbé Breuil, archéologue, a découvert un squelette qu’il estimait très ancien, ceci, dans une grotte du Ménieux, juste en vis-à-vis du château de Fieux .
En limite de la commune, mais sur Sainte Croix, on voit l’usine de Carbonate en pâte ( Charges Minérales du Périgord ) Au cours d’extraction de la pierre, un ouvrier a découvert, dans un » aven « , une concrétion de squelette de bison qui a été transporté soigneusement au musée d’Angoulême où on peut le voir .
Cette usine produit du carbonate en pâte d’une très grande pureté qui est employé pour l’affinage du papier, notamment le papier de photocopieur, mais cette extraction ne peut se faire que sur une profondeur d’environ quinze mètres car au dessous, c’est une roche extrêmement dure, du marbre qui est extrait et expédié à Carrare, en Italie, où il est travaillé, mis en carrelage garanti éprouvé au gel et commercialisé sous le nom de » Pierre de Sainte Croix » . C’est, à l’évidence, le même gisement qui était exploité de l’autre côté de la Nizonne, au Ménieux, et d’où a été tirée la pierre pour le » Bassin des Tuilleries » à Paris .
Ce petit exposé n’est qu’un très bref résumé de tout ce qu’il y aurait à dire sur notre belle commune de La Rochebeaucourt : Il serait intéressant de parler des grottes des Fadettes et de celles d’Argentine : la grotte des sarcophages, la grotte des Anglais, le pigeonnier rupestre . La légende » d’Aurore d’Argentine » ( on peut trouver des explications sur ces sites dans la petite brochure » Les Grottes d’Argentine à La Rochebeaucourt en Périgord » disponible au bureau de tabac de La Rochebeaucourt et de Mareuil et à l’épicerie de La Rochebeaucourt .
à La Rochebeaucourt le 18 mai 2008
Alain de Ruffray